La Fondation François d’Assise est le relais pour la France des œuvres sociales de la Custodie de Terre Sainte. Le frère Stéphane Milovitch – franciscain français et gardien du couvent St Sauveur à Jérusalem – était de passage à Paris en juin dernier, nous avons pu revenir avec lui sur cette collaboration.
Frère Stéphane, en Terre Sainte les franciscains sont les gardiens des Lieux Saints, mais sur quels autres missions interviennent-ils ?
Lorsque l’on parle des Lieux Saints on pense spontanément à l’accueil des pèlerins de l’Eglise universelle. Mais à l’ombre des clochers de ces mêmes Lieux Saints, vivent des communautés chrétiennes locales. La présence franciscaine a été déterminante pour le développement de l’Église locale, jusqu’à rendre possible la restauration du Patriarcat Latin de Jérusalem. Les franciscains, de par leur internationalité et au nom de l’Eglise Catholique universelle, sont là pour manifester que les Lieux Saints sont à tout le monde. Mais comment avoir une vocation universelle sans racine, sans connexion avec ce qui se vit localement ? C’est pourquoi les franciscains sont aussi au service de l’Eglise locale et ont la charge des plus grandes paroisses latines de Terre Sainte.
En quoi les œuvres sociales de la Custodie de Terre Sainte revêtent-elles une importance particulière ?
Les frères sont bien évidemment présents pour prêcher l’Evangile, ils ont une mission apostolique fondamentale. Mais en Orient, parce que les communautés coexistent les unes à côté des autres et que dans certains pays – je pense à la Palestine ou à la Syrie aujourd’hui – l’Etat n’est pas en capacité de répondre aux attentes des populations ; l’Eglise est aussi un lieu de vie sociale. Elle prend en charge la vie religieuse et cultuelle mais aussi ce qui est lié à la vie associative et éducative. Ainsi, toutes les églises de Terre Sainte ont des œuvres sociales importantes. Il y a des manques et l’Eglise dans sa notion de charité y répond. Nous intervenons dans le secteur éducatif, la santé, la promotion de la jeunesse, d’une culture ouverte à l’autre mais aussi sur le volet humanitaire.
A cet égard, la Fondation François d’Assise soutient le forage d’un puits pour la paroisse d’Alep, en quoi la présence franciscaine est-elle essentielle en Syrie ?
La Syrie est une mission de la Custodie depuis plus de cinq siècles, les paroisses catholiques sont pratiquement toutes confiées à la Custodie. Toutes les fois qu’il y a eu des périodes sombres pour les communautés chrétiennes de Syrie les frères sont restés à leurs côtés. Il y a eu le génocide arménien avec le martyr du frère Salvatore Lili et ses compagnons, à la fin du XIXème siècle à Damas, lors des massacres perpétrés par les druzes, c’est le frère Emmanuel Ruiz et ses compagnons qui furent assassinés pour leur foi… Les franciscains portent cette tradition et politique de proximité avec les populations qui souffrent. C’est un peu comme le capitaine du bateau, il doit être le dernier à abandonner le navire. L’abouna (le curé en arabe) est celui qui soude la communauté, alors nous restons pour être un signe de présence et d’espérance. Évidemment quand on parle du passé cela semble glorieux ; mais quand il s’agit, aujourd’hui, de donner l’obédience à des frères en sachant qu’ils vont risquer leur vie, ce n’est pas facile mais notre volonté est intacte.
Frère Stéphane, vous avez été l’un des moteurs du rapprochement entre la Fondation François d’Assise et la Custodie de Terre Sainte. Quel sens porte cette collaboration pour la Custodie de Terre Sainte ?
Pendant tout le XXème siècle, les rapports entre les Provinces de France et la Terre Sainte ont été distants et ce en raison de la politique française qui voulait être influente et défendre ses intérêts au Moyen-Orient. Longtemps la Custodie est apparue comme un obstacle à cette francisation. Mais tous ces conflits, les accords Sykes-Picot et d’autres sont désormais dépassés. Il n’y a pas eu d’animosité entre nos provinces mais une méconnaissance mutuelle. Certes nos problèmes quotidiens et nos visions apostoliques sont différents mais à la racine nous sommes franciscains, et il est important que nous puissions joindre nos forces et collaborer. Pour cela, il nous a fallu nous retrouver et retisser, petit à petit, des liens. La Fondation François d’Assise est un espace concret où nous pouvons travailler ensemble et manifester notre solidarité envers les chrétiens de Terre Sainte. Plus encore, c’est un espace où nous pouvons nous découvrir. Le fait d’avoir des projets et des perspectives communes offrent l’occasion d’échanges stables ; c’est un peu comme dans les familles, lorsque les frères et les sœurs se côtoient fréquemment : ils développement des affinités et de l’affection. Notre désir est de mieux connaitre nos frères de France et Belgique.